Les éléments du drapeau poitevin
La
glorieuse histoire des comtes-ducs de Poitou n'a pas donné
naissance à de quelconques symboles ni pour la province,
ni pour la maison de Poitou, car ils vécurent durant une
période pré-héraldique. L'héritère,
Alienor comtesse de Poitou, épouse Henri Plantagenêt
en 1152. En cette période naissante de l'héraldique
les Plantagenêt utilisent plusieurs lions dans leurs armes.
Henri II fait son frère comte de Poitou qui prend pour
la première fois un blason particulier montrant un lion
rampant1.
Richard
Coeur-de-Lion, fils d'Alienor, devient comte de Poitou et en tant
que tel, il reprend les armes de son oncle, déjà
associées à notre province. Richard fait un très
grand usage de ces armes en tant que comte de Poitou2, avant d'être
roi d'Angleterre. Puis, le comté de Poitou passe à
son neveu Othon IV de Brunswick. Othon reprend le sceau de Richard
Coeur-de-Lion, comte de Poitou, le sceau au lion rampant3.
Après
Othon, c'est Richard de Cornouailles qui est fait comte de Poitou.
Richard reprend les armes du Poitou au lion rampant, augmentées
des besants de Cornouailles4 [fig. 1]. Si l'emblème poitevin
est maintenant parfaitement connu, les sceaux étant monochromes,
nous ne connaissions pas les couleurs des armes poitevines. Ce
sera grâce à Richard, que ces couleurs vont nous
être dévoilées. Richard fera de très
nombreuses représentations de ses armoiries (peintures,
vitraux, sculptures, etc... ) et elles seront enregistrées
dans de nombreux rôles d'armes et clairement définies
:
d'argent au lion de gueules à la bordure de sable besantée
d'or5
(lion rouge sur fond blanc et bordure noire).
Les comtes de Poitou de la maison de Poitou porteront ces armes
jusqu'à leur extinction en 1300.
Mais
depuis 1241, le comté de Poitou a été donné
en apanage à Alphonse, par Saint-Louis son frère.
Les Plantagenêt ne reconnurent pas cette confiscation et
au cours d'une bataille pour la reconquête, les emblèmes
du Poitou vont véritablement avoir un rôle historique
de premier plan, révélant l'importance du lion en
tant qu'emblème de fief du Poitou.
La
Bataille de Taillebourg :
En mai 1242, Richard comte de Poitou et son frère
le roi d'Angleterre débarquent à Royan à
la tête d'une armée anglaise, faisant la
jonction avec les troupes poitevines. Le roi de France
et son frère Alphonse marchent vers Taillebourg
où les deux armées vont se rencontrer. Les
bannières du Poitou (au lion rampant) flottent
dans les deux camps, du côté de Richard car
ce sont ses armes personnelles et les armes de fief du
Poitou et du côté d'Alphonse, car il a fait
lever la bannière au lion par le vicomte de Chatellerault,
pour justifier ses prétentions. Au cours de la
bataille, des soldats anglais vont se ranger à
la mauvaise bannière et seront capturés
donnant la victoire à Alphonse. |
C'est ce premier drapeau du Poitou reconnu comme tel, qui sera
toujours utilisé par la suite pour lever les troupes poitevines
et derrière lequel les chevaliers poitevins se rangeront
durant les tournois tout au long du Moyen-Age.
C'est également derrière ce drapeau que se rangeront
les milices communales poitevines6.
Alors quid des armes d'Alphonse et des tours qui seront parfois
présentées pour le Poitou ?
Alphonse
a été fait comte de Poitou en 1241. Fils de Louis
VIII et de Blanche de Castille, il reprend dans ses armes les
armes de son père brisées de celles de sa mère
: Parti de France et de Castille. Alias, parti au
I d'azur semé de fleurs-de-lys d'or, au II de gueules semé
de châteaux d'or. Ces armes étaient les armes
personnelles d'Alphonse, construites comme celles de ses frères
(Artois et Anjou) [fig. 2], avec les mêmes figures (lys
de France et châteux de Castille) où seule la partition
de l'écu diffère. Ces armes personnelles ne furent
jamais les armes de fief du Poitou et elles disparurent avec Alphonse,
mort sans postérité.
Ponctuellement,
de la Renaissance jusqu'au XIXe siècle, quelques érudits
ont cru voir dans les armes d'Alphonse les antiques armes du Poitou
et reprirent pour la province, au gré de leur fantaisie,
soit six tours, soit cinq (en chevron ou en sautoir), soit trois,
soit une tour. La Commission des Sceaux de 1943, attribue à
la province cinq châteaux d'or sur fond rouge (de gueules
à cinq châteaux d'or posés II, I, II).
Quelques années après la guerre, dans les années
cinquante, Paul Adam Even, le plus grand spécialiste
d'héraldique européenne, dénonce ce choix
et réhabilite le lion poitevin7.
Dans
les années quatre-vingt, les fabricants de drapeaux reprennent
les travaux de la Commission des Sceaux de 1943 pour créer
les drapeaux des provinces à des fins commerciales. Ils
étalent donc les armes de la Commission sur toute une étoffe,
pour en faire les drapeaux des provinces. Pour le poitou, il créeront
une étoffe chargée des châteaux castillans.
Le manque d'enthousiasme populaire à l'égard de
cette étoffe peut s'expliquer par le fait qu'elle ne reprend
aucun symbole poitevin.
Les
Poitevins ne peuvent se reconnaître dans les éléments
emblématiques d'une autre province (les châteaux
appartiennent à, et représentent la Castille), préférant
le glorieux lion poitevin, symbole de la passionnante histoire
mediévale du Poitou.
C'est
en s'inscrivant dans cette continuité historique et de
coeur que des étudiants en histoire décidèrent
dans les années quatre-vingt-dix de sortir de l'oubli le
drapeau au lion pour notre Poitou historique.
Construction
du drapeau poitevin
L'unité
de nos départements étant essentielle dans l'existence
même de notre dynamique régionale et dans celle des
emblèmes poitevins comme le drapeau, ce dernier se devait
d'évoquer l'union du Bas-Poitou et du Haut-Poitou. Il était
cependant important de ne pas ajouter de symboles liés
à une partie ou une autre du Poitou, ni de donner préséance
à aucun département, le drapeau devant rester simple
et fédérateur de tous les Poitevins.
C'est
tout simplement en reprenant l'ancienne bannière du Poitou
et ses couleurs que l'unité sera évoquée,
le Bas-Poitou, terre granitique, sera figuré par la bande
noire, le Haut-Poitou, terre calcaire, par la bande blanche. Ainsi
se retrouvent ensemble, l'histoire, les hommes et les sols du
Poitou.
Ainsi renaît l'emblème fort de notre dynamisme régional.
Depuis,
le drapeau du Poitou connaît un véritable succès
populaire, sa demande fut si pressente, qu'en 1997 une association
(la Société Vexillologique de l'Ouest) est née
pour aider à la promotion du drapeau poitevin et qu'en
1999 une première souscription a été organisée.
Il faut cent personnes par souscription, nous en sommes aujourd'hui
à la cinquième souscription. Le drapeau au lion
a véritablement été plébiscité
dans la région, en Vendée, en France et à
l'étranger, par les particuliers, certaines entreprises
et collectivités. Il est visible sur des monuments historiques
(châteaux, demeures, ...) et largement bien accueilli par
les associations scientifiques et culturelles picto-charentaises.
L'association travaille toujours a la diffusion du drapeau et
à sa reconnaissance par la région Poitou-Charentes,
comme la région Bretagne a fait avec le drapeau breton
(gwenn-ha-du) reconnu officiellement par délibération,
à flotter devant les bâtiments du Conseil Régional,
mais aussi à figurer sur les nouvelles plaques d'immatriculation
qui seront en usage en France à partir de 2008. Nous souhaitons
donc que la région Poitou-Charentes s'engage elle aussi,
de la même façon, avec ce symbole fort de l'identité
régionale du Poitou-Charentes, dynamisant par ses éléments,
sa forme, sécurisant par son ancienneté, légitimité,
et plaisant par sa réussite graphique.
Pour
acquérir le drapeau du Poitou et la revue explicative :
Société Vexillologique de l'Ouest
BP 111
79203 Parthenay Cedex
Pour
plus d'informations sur l'histoire du drapeau poitevin :
http://svowebmaster.free.fr/drapeaux_poitou.htm
Thierry
Gilabert
Président de la Société Vexillologique de
l'Ouest, association d'étude des drapeaux poitevins.
Notes
1 - Guillaume Fitzempress, comte de Poitou montre un sceau au
lion rampant sur écu et carapaçon.
2 - Richard Coeur-de-Lion comte de Poitou montre un sceau au lion
rampant sur écu.
3 - Communication de M. Arnt - Der Herolds Ausschuss Der Deutchen
Wappenrolle.
4 - La Cornouailles britannique porte un écu de Sable à
quinze besants d'or (noir chargé de quinze besants or).
La Cornouailles britannique s'écrit avec un "s"
final. La Cornouaille française est au singulier. Il est
également d'usage d'écrire "Cornwall" pour la Cornouailles britannique.
5 - Notamment Glover's Roll c.1255 - Ref. Lettre B - N°225
- CEMRA - Copie The Heraldry Society of Scotland.
6 - Les armes de la ville (commune) de Poitiers trouvent ici leurs
origines.
7 - Armoiries des Comtes de Poitiers, leur groupe héraldique
- Paul Adam Even - Revue Française d'Heraldique et de Sigillographie.
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